Chapitre 7 - Stéphanie Manitta
Chères lectrices, Chers lecteurs,
Voilà plus d’une année que j’écris cette chronique dans la Gazette du Village. Je n’en reviens pas ! Merci d’être là chaque trimestre pour suivre les aventures de ma petite EENI*. Progressivement, les températures ont baissé, jusqu’à l’apparition de la neige. Vous avez déjà oublié ? C’est normal, ça n’a pas duré. Je poursuis néanmoins ma chronique fantastique autour d’un lieu à l’aura particulière. Si vous vous êtes déjà défoulés, sustentés ou hydratés au Village du Soir, ce huitième Chapitre devrait vous plaire. Installez-vous avec votre cocktail préféré, et préparez-vous à danser avec les flocons, au rythme de mes mots, au fil des saisons.
Désormais imprégnée du monde, Celebrian s’est bien amusée en automne. Contrairement aux humains, elle a plutôt manqué mourir de rire que de peur à Megal- loween. Poursuivie par des gens vêtus de sang, par d’autres aux intentions glauques, et par des clowns aux sourires bizarres, elle a pu commémorer les morts. L’ENNI* s’est tout de même rendu compte que, grâce à sa courte vie, elle n’en connaissait pas encore ; étant donné la tristesse affichée sur certains visages, l’alien s’en est réjouie. L’hiver est là à Genève. Oscillant entre neige, vent, pluie, soleil, chaud et froid, la saison se veut indécise mais réconfortante. Celebrian frémit à la découverte du programme de décembre, ce mois si représentatif de la fin de l’année. Elle apprend par exemple que le catch n’est pas réser- vé aux combats. Chez elle, il rassemble et propose d’amener de la compétition sous le signe de l’humour et de l’improvisation. Beaucoup de nouvelles personnes se réunissent, enfilent encore un costume. Mais ce déguisement-là n’a pas pour vocation d’effrayer ou de contacter les défunts. Ce nouveau visage, ce rôle qu’elles et ils endossent, il sert à entrer en contact en passant du temps ensemble. À plusieurs dates, on rigole. À plusieurs dates, on vit. La jeune alien se plaît à l’idée de retrouver des artisanes et artisans à l’occasion du Village Market. Elle sait que les lumières, les décorations et les sourires sont bien différents des autres fois. Elle sait que l’ambiance de cette fin d’année difficile n’influence pas le bonheur des personnes présentes ; elles veulent gâter leurs proches et sont venues pour ça. Un instant, Celebrian pense aux personnes qui travaillent durant les fêtes – elle a saisi que le travail est souvent une contrainte pour les humains. Puis, elle se souvient de la joie communicative des équipes de son lieu de naissance. Alors, elle se dit que cela va pour elle. Encore une fois, elle voit passer beaucoup de villa- geois, rien que pour venir chanter. Ou, plutôt, l’ENNI* les voit passer pour deviner les airs qui les ont bercés ou les agitent encore. Le répertoire est riche, certains ne devinent jamais, d’autres hurlent le titre pour gagner. Sur les visages se dessinent les émotions liées à ces musiques, et Celebrian se dit qu’il serait temps qu’elle choisisse sa préférée. Sur le critère des pas de danse les plus confortables ? Ou alors sur les chatouilles dans son ventre ? Elle pourrait même se baser sur l’intensité des frissons dans son dos. Y a-t-il seulement une seule chanson qui regroupe le tout ? La jeune alien se sent un peu perdue, le 31 décembre. Errant dans les décors de plantes tropicales, d’éclai- rages flashy et d’accessoires de plage, elle s’interroge: « Pourquoi les gens préfèrent-ils rendre hommage au chaud qu’au froid ? » En hiver, la peau se retend, on transpire moins, on peut s’habiller comme on veut avec plusieurs couches. Certains disent même qu’ils préfèrent rester chez eux, sous un plaid, avec un livre. La jeune alien ne connaît rien de tout ça. Elle ne connaît que la fête, l’envie d’évasion des visiteurs, et ce profond besoin de bouger. L’ENNI* est née avec, donc… Celebrian l’a compris, depuis le temps : il existe énor- mément de manières de clôturer la fin d’un cycle. Au détour des conversations prises sur le vif, elle n’identi- fie qu’un seul point commun entre tous les villageois : le souhait de passer à une année plus fun. Et en voyant passer une étoile filante du haut du toit de la Distillerie, elle fait un vœu : celui de pouvoir offrir la sérénité à ceux qui en ont besoin en partageant son histoire.
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